Pas de transition agricole sans économie de la transition
On ne peut pas demander aux seuls agriculteurs de porter la transition agricole. Seuls, ils n’en ont ni les moyens économiques ni techniques. Il n’y aura pas de transition sans modèle économique pour tous les acteurs, sans alignement de leurs intérêts avec la transition à mener. La vertu ne suffit pas. Il faut créer de la valeur et déployer des dispositifs économiques plus attractifs, plus différenciants, plus durables, aptes à convaincre les acteurs de changer leurs modes de décision.
Enfin, la permaculture, le bio ou l’approvisionnement de proximité ne résoudront pas tout. Changer l’impact de l’agriculture, c’est aussi changer l’impact des acteurs dominants qui déterminent de fait les pratiques à travers leurs exigences sur des standards de qualité et de prix. Il est donc indispensable de créer un outil de conduite de la transition pour ces entreprises globales.
Le modèle économique de la transition agricole peut se déployer autours de trois leviers de création de valeur.
Le premier levier est le développement de la connaissance sur l’état des lieux des terres agricoles dans un contexte ou 30 à 60% des terres sont en danger. En reliant cet état des lieux aux pratiques agricoles, il va être possible d’identifier les pratiques problématiques et de les faire évoluer, et d’identifier les pratiques réellement vertueuses. C’est le fondement d’un conseil agricole à haute valeur ajoutée que le marché attend.
Le deuxième pilier est la valorisation de filières de productions certifiées par leur origine et les sols dont elles sont issues. Le prix des denrées est l'élément central de la création de valeur. Y renoncer, c'est s'enfermer dans l'immobilisme. En permettant à la coopérative, à l'acheteur industriel et jusqu'au consommateur d'être informé de la qualité d’origine du milieu de production, chaque acteur peut prendre des décisions éclairées, les motiver, et leur attacher de la valeur. C'est ce qui a fait le succès du bio, pour lequel le prix a été un élément clé du succès. Ce doit être la même logique qui s'applique pour des denrées issues de sols en bonne santé.
Le troisième pilier de la mutation économique du marché agricole résidera dans les crédits carbone ou paiements pour services environnementaux. Si nous demandons aux agriculteurs d'être les gardiens de la biodiversité, du climat, et plus généralement de l'environnement, ils doivent être rémunérés pour cela. La notation des sols va venir certifier des crédits environnementaux à haute valeur ajoutée et massivement déployables.